Petit retour sur le Radeau de la Méduse avec Christèle Chabot...
L’histoire des naufragés de la Méduse, peu de gens la connaissent, ou pensent simplement que c’est l’œuvre magistrale d’un grand peintre du XIXème siècle, Théodore Géricault…
Et bien pas seulement ! En effet avant d’être un radeau, la Méduse fût la frégate d’où partirent de la rade de l’île d’Aix, en 1816, 240 embarqués français mêlant différents corps de métiers :
Militaires officiers, soldats, artisans, ingénieurs géographes, des mines, naturalistes, chirurgiens, curés, instituteurs…Mais aussi quelques femmes et enfants.
Le projet de base était valorisant et prestigieux pour le gouvernement Français de la seconde Restauration, car le but était de rallier le Sénégal afin de récupérer ses comptoirs suite à un accord convenu avec les anglais. Et pourquoi ne pas établir d’autres colonies.
Mais l’incompétence du commandant vieillissant, CHAUMAREYS, mena ce projet tout droit à sa perte. L’affaire du naufrage de la Méduse retentit aussi fort que l’affaire Dreyfus. Elle deviendra le point noir de la Marine française, qui fera tout pour étouffer cette tragédie.
Le 17 juin 1816 accompagnée du brick "l'Argus", de la corvette "l'Echo" et de la flûte "la Loire", "la Méduse" prend enfin le large. Après 15 jours en mer, en arrivant non loin des côtes Mauritaniennes, le commandant s’obstina et ne prit pas en compte les recommandations de ses officiers sur le cap à tenir et distança les autres navires. Le résultat fût que la frégate s’échoua sur un haut fond ce 2 juillet 1816.
S’en suivit alors une lutte pour la survie où l’on essaya en vain de dégager la Méduse de son piège. On décida alors de construire un radeau afin d’y entreposer les tonneaux d’eau douce et de vin …. Ce qui devait permettre de relever la ligne de flottaison et grâce aux mouvements de la marée, libérer le bateau. Malheureusement rien n’y fît.
Le radeau construit avec des morceaux de la Méduse (mâts, vergues, baume, etc) fût baptisé « La Machine ». En dernier recourt on décida de quitter la frégate. 71 personnes triées sur le volet, prirent place sur les canots de sauvetage. Parmi les 169 personnes restantes, 152 embarquèrent sur « LA MACHINE », soit par choix comme le Dr Savigny soit par obligation comme les soldats. Et 17 restèrent à bord de l’épave.
Imaginez, lecteurs du XXIème siècle, ce que représente un radeau mesurant 20m sur 7m, fait de planches, de morceaux de bois attachés avec des cordages, livré à lui-même, sur la houle en plein océan Atlantique ! Cela fait froid dans le dos ! Surtout qu’au début de cette épopée infernale, le radeau était attaché aux canots. Mais la puissance de « LA MACHINE » exercée sur les cordages força ceux qui commandaient les petites embarcations à prendre l’initiative de couper les liens. Ils abandonnèrent ainsi les passagers et leur coquille de noix à leur triste sort.
Dans ce melting-pot d’émotions et le manque de vivres, on dénombrait chaque jour passé à bord, des morts dûs aux carences, aux mutineries de la nuit et à la folie humaine.
Cadavres exquis…
La suite de l’histoire vous en avez peut-être entendu parler, dans des conditions de survie extrêmes l’être humain est capable de tout, du meilleur comme du pire. Durant les 15 jours d’errance au gré des vagues, n’ayant que de l’eau et du vin pour se remplir l’estomac. Les survivants se livrèrent au cannibalisme en prélevant des lamelles de chair sur les cadavres et en les faisant sécher sur les cordages.
C’est aussi pour ça que la Marine française ne souhaitait pas que cette histoire s’ébruite. En effet à l’époque on pensait qu’il n’y avait que les «sauvages »qui usaient de ces pratiques « primitives ». Vous rendez-vous compte qu’une population civilisée de surcroît chrétienne pratiquante puisse en arriver à pratiquer le cannibalisme? La stupeur et l’effroi touchèrent tout le monde.
Quelques survivants écrivirent leur témoignage et publièrent des articles dans les journaux contemporains. La Marine ne put donc pas passer sous silence cette histoire, à la fois fascinante et effroyable.
Si vous souhaitez en savoir plus je vous invite à lire « Le naufrage de la Méduse » écrit par Alexandre Corréard et Jean-Baptiste Savigny. Il faut savoir aussi qu’un documentaire a été tourné, cet été, sur le territoire de Rochefort-Océan, par le réalisateur spécialiste des naufrages Herlé JOUON. Il a pu reconstruire le fameux radeau de la Méduse grâce aux plans dessinés par les survivants, vous pouvez le voir actuellement dans la cour intérieure du musée de la Marine à Rochefort. Le documentaire réalisé par Grand Angle Production sera diffusé sur Arte au cours du printemps.
J’ai obtenu comme confidence de la part du réalisateur, qu’il y aura un descendant de survivant qui nous montrera des objets ayant appartenu à son aïeul.
Etant native de Soubise, j’ai été sensible à cette histoire, car le Dr Savigny y fût maire de 1821 à 1828 seulement 6 ans après ce périple infernal, digne des plus grandes histoires du XIXe siècle.